LA DERNIERE SCENE
Extrait de l'évangile selon Pierre-Olivier
Les mots rares,
techniques ou dignes de commentaires sont soulignés en
bleu et renvoient à des notes en fin de texte ! Au jour de la fête de Pâques, Jésus réunit son équipe, le F.C. Béthléem après l'entraînement. La Coupe du Monde Romain de l'An 33 approchait. Dans le proconsulat de Palestine, on en avait ras-le-bol d'être toujours battu par les Romains. Non tantum, l'équipe romaine était extrêmement organisée et disciplinée, sed etiam, ils trichaient, se laissaient tomber en grimaçant de douleur, donnaient des coups de coudes et influençaient l'arbitre. Pratiques ayant heureusement disparu dans les rencontres postérieures. Jésus avait réuni toute sa fine équipe et proposa de discuter tactique tout en cassant une graine. Maigre chère d'ailleurs car, en période de Pâques, pas de pain levé ni de farine ni de pâtes : les sportifs couraient après les sucres lents. Thomas allait toutes les cinq minutes surveiller les pizzas surgelées. On lui avait bien dit qu'il fallait 25 minutes de cuisson mais il tenait à s'en rendre compte par lui-même. Pierre râlait car il avait demandé une pizza sans anchois ni fruits de mers et il n'y en avait pas ou plutôt il n'y en avait qu'avec ! Jean fumait un joint en délirant prémonitoirement sur Eric Cantona marquant un but au diable pour un spot Nike. Marc et Mathieu avaient branché la Play-Station et s'entraînaient avec Final Goal III. Et ça tisait au pastaga. Jésus qui avait cru, grâce à la
table retenir l'attention de ses compagnons, s'aperçut
qu'il s'était fourvoyé. Alors il se tourna vers les
autres joueurs, écarta les mains et leur dit : Alors là, pour le coup, il se fit un grand silence autour de la table. Tous le regardèrent, effarés ! Jamais leur entraîneur ne leur avait parlé ainsi. Ils s'essayèrent à réfléchir mais, très vite, se remirent à leurs occupations. Jésus se demandait toujours comment les ramener au football, unique objet de ses préoccupations. Les pizzas arrivèrent enfin. Alors Jésus dit : Et Jésus répondit :"celui à qui je donnerai mon morceau de pizza trempé dans du Coca-cola sera celui-là." Et il le donna à Judas en lui disant :"si tu dois me tacler par-derrière, fais-le vite". Judas relaça ses baskets en laissant la languette dehors, referma son survêtement et partit. Ses co-équipiers, hormis Jésus, ignoraient tout. Judas avait été payé par Bernardus Tapis manager-général-président du club de Massalia. Pour 30 deniers d'argent, il avait promis une bonne entorse aux jambes de Jésus. Le procédé n'était pas très loyal mais il n'y a pas de petits profits et Bernardus Tapis, à cette époque, ne lésinaient pas sur les moyens pour justifier ses fins. Pierre balbutia :"mais
pourquoi vas-tu te laisser faire, N°3 ?" Pour la petite histoire, Jésus ne joua pas le match contre Rome. Le remplaçant Barabas fit assez pâle figure. Les romains gagnèrent haut la main (bien lavée). Jésus tenta bien un come back quelques jours plus tard mais son temps avait passé et il ne put jamais retrouver son niveau et demeurera à jamais l'Eternel Jeune Espoir du Football Palestinien.
Glossaire et notes
F.C.
Béthléem : Les
supporters chantent sur l'air Barbra Ann des Beach Boys
Non tantum...sed etiam : ce genre de vieilles rengaines traîne dans tous les textes latinisants. Pour ceux qui l'aurait oublié ou qui n'ont pas eu le bonheur d'avoir de vieilles profs de latin moisies qui tapaient avec des règles en fer : on nous a fait rentrer par le bout des doigts que cette expression signifie "non seulement...mais encore."
Postérieures :il paraîtrait, qu'aujourd'hui encore, on ne peut pas devenir un joueur de football de bon niveau en Italie, si on sait pas faire tomber son adversaire en étendant un bras pour dire "c'est pas moi" en regardant l'arbitre avec un air innocent et en indiquant avec l'autre bras que l'adversaire a tiré le maillot... C'est très difficile et justifie largement que les footballeurs soient mieux payés que les médecins.
Sucres lents : Nous sommes chez des juifs pieux (c'est-à-dire qu'ils dorment beaucoup) et de stricte observance.
Pizzas : Voyez la liberté prise par rapport à la règle précédemment indiquée !
Sans
anchois ni
fruits de mers : Pierre était devenu
footballeur professionnel pour quitter son emploi de
marin-pêcheur. Alors vous pensez bien qu'il en avait
ras-le-bol des poissons. Jésus, pour le faire rager, en
sortait par poignées de son grand chapeau comme lors du
vin d'honneur après le match contre l'Association
sportive Cana-les-Noces.
Joint : il s'agit d'une cigarette en forme de cône et confectionnée avec une variété de la plante appelée kif, hasch, teuche, beu, Marie-Juana, cannabis. On en récoltait alors dans la plaine de la Bekka et on l'appelait libanais rouge. Jean avait été plusieurs fois suspendu par la fédération pour usage illicite de cette plante. Après sa carrière de footballeur, il fera quelques succès littéraires en racontant ses visions sous l'emprise de cette substance.
Nike et Eric Cantona sont des marques déposées de Nike Inc.
Final
Goal III : laissez
tomber ce jeu stupide et jouez plutôt à Evangile : le
Retour. Dans un futur post-nucléaire, Jésus revient
pour établir sur Terre le royaume des cieux. Vous jouez
Jésus. Vous devez réunir vos disciples. Vous devez
lutter contre les forces du mal grâce à un puissant
Vadé-rétrolaser.
Tiser
au pastaga : Les
linguistes, qui auront remarqué avec étonnement le
verbe "tiser" qui n'existe pas en
français, apprendront avec joie qu'il vient de
l'expression : "Lui, il ne boit pas que de la
tisane".
La tactique est un élément fondamental du football qui en fait la richesse et l'intérêt. Au stade, l'autre jour, j'entendais un supporter, fin tacticien, hurler, lorsque les joueurs passaient par les côtés :"au centre, au centre". Si le porteur du ballon s'engageait au centre, mon voisin de tribune disait "Ecarte, écarte sur les côtés". Lorsque l'équipe qu'il supportait marqua un but, il m'a dit :"I z'ont d'la chance, pasque, hein, qu'est-ce qu'ils jouent mal !"
Les enfants battus se font, en masse, adopter par le PSG parce qu'eux, au moins, ils ne battent jamais personne.
Derniers
/ premiers : pas
plus tard qu'hier, j'entendais deux dames discuter dans
la queue aux caisses du supermarché.
Silence : L'autre soir dans un bar, le pianiste
s'ennuyait et jouait mal. Un client s'approcha :
La réflexion est la première cause de mortalité chez les footballeurs professionnels.
Immérites : je sais c'est un néologisme. Et alors, qu'y puis-je ? Je ne suis que le narrateur objectif des événements qui se sont déroulés tels que je les écris !
Cuits et crus, croyez-vous, je n'ai pas réussi à faire un meilleur jeu de mot, désolé. Mais chacun sait bien que c'est avec les bons crus qu'on fait les bonnes cuites !
Tacler : subtiliser adroitement la balle dans les pieds de l'adversaire en gardant les talons collés au sol. Le tacle par derrière est la deuxième cause de mortalité chez les footballeurs professionnels.
Pizza...Coca-cola : C'est dégueulasse (j'ai essayé pour imiter l'idole des béni-oui-oui). Les jeunes ne savent plus quoi inventer pour se faire remarquer. Pourtant Jésus n'était pas avare de nouveautés. On lui doit, par exemple, d'avoir profondément remanié les règles du football (les précédentes dataient de Moïse).
A ce moment-là, Bernardus Tapis n'était pas encore en procès avec le Crédit de Lugdunum.
30 deniers : environ pas grand chose. Jésus au cours d'une de ses précédentes visites à Jérusalem avait renversé les étals des changeurs et dispersé leurs avoirs. Le numéraire était rare, l'inflation galopait. 30 deniers ne valaient guère qu'une corde pour se pendre.
N°3 : place de Jésus sur le terrain. Comme disait le grand journaliste sportif Jacques Prévert : la Trinité c'est simple comme 1+1+1=1.
Pierre-Olivier : cette oeuvre bien que fondée sur des documents existants et authentiques d'après certains, n'en reste pas moins une histoire rigoureusement fictionnelle. Toute ressemblance avec votre voisin de palier ou une autre histoire que vous auriez pu, cru ou dû avoir lu serait tout à fait fortuite et totalement indépendante de la volonté de l'auteur qui n'en a pas beaucoup alors, bien qu'il n'en pense pas moins, il n'en dit pas plus.
Equipe : pas très solidaire le gugusse ! Il y a des entraîneurs qui, mesquinement, gardent les types éternellement sur le banc des remplaçants. Après les joueurs sont un peu aigris. On comprend mieux la réaction de Pierre quand on sait qu'il devait remplacer Jésus comme capitaine de l'équipe. Comme première responsabilité, on lui avait confié les clés du vestiaire. |